Le seigneur Fervas Omavel était ravi. La maison qu'il convoitait depuis si longtemps était enfin libre. Il allait pouvoir en devenir le propriétaire, et, ce qui ne gâchait rien, pour un prix dérisoire. Il faut dire que cette fois encore, Fervas avait fait preuve d'un brio peu commun. Cette maison avait perdu tout intérêt aux yeux des clients potentiels en quelques jours à peine. Un habile stratagème ourdi avec son cousin Banor leur avait permis de faire passer la maison pour hantée. Leur mise en scène avait été une telle réussite que les acheteurs potentiels s'étaient retirés et avaient même fui Gnisis en toute hâte.
Tout ce temps, une jeune dunmer avait observé les deux hommes. Elle était vraiment petite et maigrichonne, couverte de tatouages tribaux et devait à peine entrer dans l'adolescence. Assise sur les planches rugueuse du quai, ses yeux d'un noir profond épiaient les moindres mouvements des deux lascars. Elle avait vu les mannequins enduits d'huile phosphorescente, les grosses tôles suspendues à l'arrière de la maison qui imitaient le bruit du tonnerre. Ingénieux. Oui, ingénieux, c'était le mot. Elle aurait aimé avoir eu l'idée mais ça ne lui aurait guère servi. En fait, elle n'aurait de toute façon pas eu l'argent pour acheter cette maison. Fervas, lui, l'avait, cet argent. Et il savait que dès demain, il deviendrait le nouveau propriétaire de ce petit domaine.
Fervas et Banor descendent à présent le petit chemin qui mène au port. La jeune dunmer, nommée Nephalethys se met à pleurer, tête baissée. La voyant, les deux hommes ralentissent le pas.
« Et bien, petite, quelle est la cause de ce gros chagrin ? »
« Mon guar s'est enfui, il est entré das une caverne plus loin le long de la côte et je ne le retrouve pas... Mon père va me punir sévèrement. »
Banor se tourne alors vers Fervas : « On va pas abandonner une petite demoiselle à un triste sort hein Fervas ? »
Comprenant l'idée de son cousin, Fervas embraye : « Ah ben non... Ce serait dommage. »
« Allez, petite, montre nous cette grotte, on te suit. »
Se levant avec souplesse, la petite dunmer saute du débarcadère et se met à longer la côte suivie des deux cousins qui la reluquent d'une façon lubrique. Certes, c'est une gamine... Mais justement, c'est une proie facile. On est sans scrupules ou on ne l'est pas...
Une fois arrivés dans la grotte, Nephalethys dit aux hommes de passer devant. Elle veut s'assurer de pouvoir attraper le guar si celui-ci venait à se faufiler entre leurs jambes, leur explique-t-elle.
Ils s'avançent dans un boyau assez étroit qui devient de plus en plus sombre.
« Tu vois quelque chose Banor ? »
« Que dalle... On se demande ce qu'un guar a bien pu trouver d'intéressant ici... Oh attend j'ai un truc sous les pieds... » Fervas se baisse et tâtonne il sent quelque chose de long... Des doigts... Une main... Il entend quelques bruits mous derrière lui... SWISH...SWISH...SWISH...
« Banor ? »
Pas de réponse. Il fait noir, si noir. L'angoisse le saisit.
« Banor, répond moi, merde !!! »
Le silence puis... SWISH...SWISH...SWISH... La dague de Nephalethys surgit de nulle part perçant Fervas par trois fois. Sa technique préférée. Fervas serre encore dans sa main l'affiche de mise en vente du domaine, il la presse contre ses blessures pour arrêter le flot de sang. C'est trop tard, son regard se voile. Il n'y aura plus jamais rien à voir. Nephalethys se baisse, tâtonnant, un tintement lui confirme que la bourse est bien là. Elle la retire à son propriétaire, il n'en aura plus besoin.
Faisant demi tour, elle ne tarde pas à rejoindre la lumière du jour. Demain, elle sera aux enchères du domaine. Elle sera la seule acheteuse. Et maintenant, elle a de quoi payer.
Quant à la troisième personne, cher lecteur, je sais que tu te demandes qui cela peut bien être.
Pour qu'une maison soit en vente, il faut que son propriétaire soit hors course, n'est ce pas ? On est sans scrupules ou on ne l'est pas...
